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La vision géopolitique des Houthis

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Peu connus du grand public avant l’offensive saoudienne au Yémen en 2015, les Houthis font actuellement les gros titres du fait de leurs agissements en mer Rouge en soutien à la cause palestinienne. Longtemps fondus dans le paysage religieux sunnite du pays, les Houthis affirment depuis une dizaine d’années leur appartenance politico-religieuse zaydite distincte en lien avec leur proximité avec l’Iran. 

Les revendications des Houthis

L'idéologie des Houthis est résolument anti-américaine et anti-israélienne
L’idéologie des Houthis est résolument anti-américaine et anti-israélienne

L’invasion américaine de l’Irak en 2003 radicalisa profondément le mouvement houthi et fut un moment charnière. Les Houthis adoptèrent alors leur slogan actuel : « Dieu est grand, mort aux États-Unis, mort à Israël, malédiction sur les Juifs et victoire de l’islam ». C’est également à cette époque que le groupe se fit officiellement appeler Ansar Allah (partisans de Dieu).

Les racines zaydites des Houthis ne dictent pas nécessairement leur programme politique. Leurs dirigeants ont affirmé qu’ils n’essayaient pas de reconstruire l’imamat zaydite d’antan mais plutôt de rechercher une plus grande inclusion politique, socio-économique et identitaire. Depuis 2011, ils utilisent un langage nationaliste et populiste dans leurs messages plutôt que de se présenter comme un mouvement strictement zaydite. Toutefois, depuis la prise de la capitale Sanaa en 2014, les Houthis dirigent l’ouest du pays en s’appuyant sur une répression féroce avec à leur tête Abdel Malik al-Houthi, frère de Hussein al-Houthi et accusé par ses opposants d’être la marionnette de l’Iran afin de servir ses ambitions régionales.

Le soutien de la République islamique d’Iran

Les Houthis partagent la vision géopolitique de Téhéran qui consiste à combattre la mainmise de « l’axe américano-sioniste » dans la région. Ainsi, depuis le début de l’opération « Tempête décisive » au Yémen lancée par la coalition menée par l’Arabie saoudite en mars 2015 et à la demande du président yéménite exilé Abdrabbo Mansour Hadi, l’Iran a apporté un soutien militaire, financier et symbolique aux Houthis.

Moyennant un parrainage peu coûteux pour la République islamique, Téhéran a saisi cette opportunité d’élargir son « axe de la Résistance », renforçant ainsi la capacité de nuisance des Houthis tout en niant l’implication iranienne dans les agissements de leurs alliés yéménites. Toutefois, si l’influence iranienne au Yémen est indéniable, elle n’est en rien comparable à celle dont jouit l’Iran au Liban, en Irak ou en Syrie. En effet, les groupes plus éloignés de la République islamique sur le plan géographique, idéologique et doctrinal, tels que les Houthis, jouissent d’une plus grande indépendance.

Si les Houthis appartiennent à une dénomination chiite distincte de celle dont se réclame le régime des mollahs, les Houthis adhèrent depuis une dizaine d’années à un écosystème politique et symbolique très proche du chiisme duodécimain. A titre d’exemple, le jeune chef des Houthis, Abdelmalik al-Houthi, apparait souvent à la télévision locale pour galvaniser ses troupes, rappelant les apparitions télévisées frénétiques du chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah. Sur l’aspect religieux, la fête d’Achoura qui commémore le martyre du petit-fils du prophète Mahomet, Hussein, est célébrée avec ferveur et faste alors qu’il s’agit d’un évènement marginal dans le zaydisme.

Les Houthis défenseurs de la cause palestinienne

Depuis le lancement de l’offensive israélienne à Gaza fin octobre 2023 suite à l’attaque du Hamas en Israël, les Houthis se sont fait les champions de la cause palestinienne en prenant on otage des navires en mer Rouge. Leur engagement envers cette cause est profondément ancré dans leur idéologie. De plus, les bombardements américains et britanniques, auxquels ils font face depuis janvier 2024, contribuent à accroître leur légitimité au sein de la population yéménite en s’appuyant sur les sentiments pro-palestiniens et anti-interventionnistes. En effet, avant le 7 octobre, les Houthis faisaient l’objet de contestations concernant leur gestion des finances publiques avec des salaires de fonctionnaires impayés ainsi que des accusations de corruption rampante.

Sur le plan extérieur, les Houthis souhaitent renforcer leur rôle au sein de « l’axe de la Résistance », améliorer leur position régionale et projeter leur puissance militaire. D’autre part, leur soutien aux Palestiniens est difficilement contestable par les adversaires des Houthis : le Conseil de transition du Sud, soutenu par les Émiratis et souhaitant faire sécession avec le Yémen du Nord ; le gouvernement légitime du président Hadi exilé en Arabie saoudite ; le parti Al-Islah, branche locale des Frères musulmans ; les milices salafistes ; l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

En effet, depuis le 7 octobre 2023, les manifestations visant à faire pression sur les dirigeants autocrates sunnites au Moyen-Orient ont donné un nouveau poids aux groupes chiites ayant activement soutenu le Hamas dans une région majoritairement sunnite. Aliénés par le soutien de leur régime à l’Occident et leurs liens avec Israël, de nombreux Arabes sunnites ont observé avec stupeur les groupes militants alliés à l’Iran qui, de Bagdad à la mer Rouge en passant par Beyrouth, sont devenus les figures de proue de la résistance à la guerre d’Israël à Gaza.

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Ameerah Ismael

Diplômée d'un master en Relations internationales et Diplomatie et d'une licence en Langues étrangères appliquées (anglais-arabe-hindi) de l'Université Jean Moulin Lyon 3. Intéréssée par les enjeux politiques, militaires et sociétaux au Moyen-Orient mais également à l'Extrême-Orient.

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